Intelligence, sensibilité et le test de Turing

Il s’agit d’une entrevue à l’émission Sphère de la Radio-Canada concernant l’intelligence artificielle. Les animaux rentrent dedans, mais juste vers la fin et de façon très comprimée, car Sphère s’intéresse aux ordinateurs, pas aux animaux…

Une machine, c’est un mécanisme causal. Tous les organismes sont donc des machines, mais pas tous les organismes sont des machines sensibles [conscientes]. Par exemple, les plantes ne sont pas (j’espère) sensibles. Les organismes unicellulaires non plus. Les mammifères sont sensibles, tous les vertébrés le sont, les invertébrés aussi — toutes les espèces qui ont un système nerveux (y compris la nocicéption: le sens de la douleur).

[C’est pour ça que le concept de « spécisme » est incohérent, en ce qui concerne l’argument contre le carnivorisme chez l’humain: les plantes sont des espèces d’être vivant aussi, donc si c’était parce que c’est « spéciste » qu’il ne faut pas manger la viande, alors les véganes seraient spéciste aussi. — Donc, non, c’est parce qu’il ne faut pas manger les être sensibles (car ça leur cause la souffrance inutilement) qu’il ne faut pas manger les animaux — et c’est pour ça que c’est si important de leur accorder le statut d’être sensibles devant la loi, comme exigé par le Manifeste lesanimauxnesontpasdeschoses.]

« Intelligent » , c’est juste un louange, un compliment, un adjectif. « Elle est intelligente, lui pas. » « Ça, c’est pas très intelligent. » Il n’y a pas une sciences de ces adjectifs. Ce qu’on étudie en sciences cognitives c’est la cognition, ce qui veut dire, la pensée . Les humains sont des êtres pensants. C’est ça le « Cogito » de Descartes. Mais qu’est-ce que c’est que de penser? Nous savons tous que c’est quelque chose qui ce déroule dans nos têtes, dans nos cerveaux, mais qu’est-ce?

C’est les sciences cognitives qui cherchent à découvrir ce que c’est que de penser, donc ce que c’est d’être une machine pensante. Le mathématicien Alan Turing a proposé il y a 65 ans que la méthode pour découvrir et expliquer ce que c’est que la pensée (donc ce que c’est que la cognition), c’est de construire une machine qui sera capable de faire tout ce que peut faire un être (humain) pensant, donc tout ce que nous pouvons faire. Lors qu’on aura construit une machine qui à la capacité de faire tout ce que nous pouvons faire (se ballader dans le monde, reconnaître les objets, apprendre, parler, etc. exactement comme nous) et qui pourra faire tout ça à tel point qu’on ne peut plus le distinguer d’un d’entre nous — durant toute une vie le cas échéant — alors le fonctionnement du mécanisme interne de cette machine, qui génère cette capacité de faire tous ce qu’un humain est capable de faire — sera la cognition, la pensée. Le candidat aura réussi le « Test de Turing, et les sciences cognitives auront expliqué la cognition.

Mais où en est la sensibilité dans tout ce savoir-faire? C’est pour ça qu’en milieu de cours en sciences cognitives je choisis toujours un des étudiants (disons Alex) que tout le monde connaît très bien et je demande aux autres: “ Et si on apprenait maintenant que Alex avait été construit il y a trois ans à MIT, est-ce que vous vous senteriez à l’aise de lui donner un coup de pied ? “

Presque tout le monde répond: Non. Ça serait immoral de lui donner un coup de pied. Et c’est parce que penser, c’est un état mental, un état sensible: ça resemble à quelque chose d’être dans cet état, et nous savons tous à quoi ça resemble. Donc si un être réussit le Test de Turing nous savons tous — à l’exception des psychopathes — que nous n’avons ni plus ni moins de raison de conclure que l’être est sensible, comme nous, que nous avons avec les membres de notre espèce: C’est ça de ne pas pouvoir distinguer. Et c’est ça la substance du Test de Turing.

Et bien, ni les adultes qui sont sévèrement handicapés mentalement, ni les bébés, ni les animaux n’ont la capacité de passer le Test de Turing, mais nous savons tous qu’ils sont sensibles, Donc c’est sûrement tout aussi immoral de leur donner un coup de pied que de le donner à Alex. Si les plantes étaient sensibles aussi, on n’aurait pas de choix. Mais heureusement c’est presque certain qu’elles ne sont pas sensibles. Et donc on a le choix…

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