Questions-réponses sur le festival du cochon — Jean-Jacques Kona-Boun, DMV

Toute cette réaction vis-à-vis du festival du cochon n’est-elle pas un peu exagérée?

Tout d’abord, l’opposition n’est pas vis-à-vis du festival du cochon mais vis-à-vis d’une partie précise du festival du cochon. Il n’est certainement pas exagéré de s’opposer à des activités qui compromettent clairement le bien-être d’animaux, aussi bien psychologique que physique, pour le simple divertissement.

N’est-ce pas exagéré de qualifier la course aux cochons d’activité “cruelle”?!

Le qualificatif “exagéré” utilisé pour désigner la manière dont les groupes de protection animale voient la course aux cochons est lui aussi “exagéré”! Le dictionnaire donne plusieurs définitions du mot “cruel”, dont celle-ci “Qui cause une souffrance morale ou physique”. Par conséquent, le qualificatif est tout à fait approprié et pas du tout exagéré, car les deux formes de souffrances, physique et psychologique, sont hautement susceptibles de survenir lors de l’épreuve de course et de lutte contre les animaux.

Vous n’y êtes pas allé en personne donc vous ne pouvez pas juger

Il n’est absolument pas nécessaire d’y être allé “en personne”! Le concept même de courir après un porc pour l’attraper et le plaquer au sol, que ce soit dans la boue ou tout autre type de substrat, garantit le stress et possiblement la douleur, même s’il n’y a pas de lésion visible extérieurement.

De plus, les vidéos et photos disponibles sont assez éloquents pour ne pas avoir besoin de se déplacer. La façon dont les animaux sont sensés être traités avant la course ne change rien, même s’ils sont traités “aux petits oignons” pour reprendre une expression vraiment déplacée compte tenu du sort final de ces animaux.

Avec ce type de raisonnement il faudrait donc arrêter de soutenir la plupart des causes humanitaires car la majorité d’entre nous n’avons pas été témoins directs de la maltraitance des femmes dans certains pays, de la famine dans d’autres pays, de l’exploitation des enfants dans des usines dans certains régions du monde d’où proviennent tant d’articles que les consommateurs des pays riches achètent sans scrupule, pour ne prendre que quelques exemples. C’est vrai aussi pour certaines causent touchant les humains dans notre propre pays: qui est allé vérifier en personne la réalité de toutes les conditions qui justifient de se mobiliser? Ce n’est vraiment pas un argument valable selon moi.

Une pétition lancée par un groupe de protection animale situé en Colombie Britannique n’a pas sa place dans une polémique québécoise!

Où est le problème, c’est toujours le même pays aux dernières nouvelles! Il est tout à fait normal que certains défenseurs des animaux s’opposent et agissent contre des traitements inacceptables infligés à des animaux dans leur propre pays, indépendamment de l’organisation territoriale de ce pays. Je ne veux certainement pas lancer un débat sur la souveraineté du Québec mais jusqu’à nouvel ordre, que cela plaise ou non, le Québec et la Colombie Britannique font partie du même pays et chaque citoyen de ce pays a le droit de s’opposer à une situation inacceptable existant dans son propre pays, et même à l’extérieur. Si l’on commence à ne plus soutenir les causes humanitaires dans d’autres pays et à ne plus se mobiliser contre les injustices sous prétexte que cela ne se passe pas chez nous et donc cela ne nous regarde pas, on anéantit le principe, le fondement même de l’aide internationale. Toutefois, dans le cas présent, il ne s’agit même pas d’aide internationale mais plutôt d’aide “intranationale”. Si l’on suit le type de raisonnement selon lequel la pétition de Colombie Britannique est invalide, il faudrait que seuls des groupes de défense des animaux du Québec, et plus précisément de Sainte-Perpétue, puissent prendre position contre des mauvais traitements infligés à des animaux au Québec, et plus précisément à Ste-Perpétue! Or on sait à quel point les gens de Sainte-Perpétue peuvent être biaisés dans leur jugement sur la course aux cochons, considérant le conflit d’intérêt qu’ils ont vis-à-vis du festival, ce qui rend un peu ridicule le sondage réalisé auprès des habitants de la commune et totalement invalide le résultat supposé unanime provenant des perpétuens. Toutefois, il semble que certains éléments “rebelles” soient passés entre les mailles du filet des statisticiens et que même chez les perpétuens, la course aux cochons ne fasse pas l’unanimité, comme en témoigne un article paru dans le journal La Presse le 30 juillet.

Quels signes permettent de certifier qu’il y a des traumatismes chez les porcs?

Et quels signes permettent de certifier hors de tout doute qu’il n’y en a pas dans cette activité qui est pourtant hautement susceptible d’en générer?!

Les traumatismes sont aussi bien d’ordre physique que psychologique. Il est erroné de croire que les traumatismes physiques sont forcément visibles extérieurement.

Pour ce qui est du traumatisme psychologique, il n’y a pas besoin de faire une étude expérimentale pour arriver à la conclusion qu’il est inévitable. Il est connu que le porc est une espèce très facile à stresser, et se faire pourchasser et contenir physiquement génère un grand stress chez ces animaux. En plus, les porcs ne comprennent pas ce qui se passe et sont au milieu d’une foule bruyante, tout ce qu’il faut pour générer de la détresse chez ces animaux.

Dans des vidéos de la course aux cochons du festival de Sainte-Perpétue, soit sur le site officiel du festival soit filmé par un particulier et mis sur internet, on peut voir des animaux se débattre vivement et hurler lorsqu’ils se font attraper, on en voit même plusieurs respirer la gueule ouverte, ce qui est un signe de détresse chez le porc, comme le mentionne à plusieurs reprises le code de pratiques du Conseil National pour les Soins aux Animaux d’Elevage, relativement aux soins et à la manipulation des porcs.

Pour ce qui est du traumatisme physique: (voir Pas douloureux pour les porcs, juste après)

La course aux cochons n’est pas douloureuse pour les porcs

Comment peut-on faire une telle affirmation?! Il faut se mettre à la place des animaux et faire preuve d’un minimum d’imagination: imaginer se faire plaquer au football ou au rugby par un joueur plus grand et plus lourd que soi. Il n’y a pas forcément de dommages visibles extérieurement mais c’est certainement désagréable, voire douloureux, à cause des coups et contrecoups sur les membres, sur l’abdomen, le thorax, la tête, et les augmentations marquées et soudaines de pression intra-abdominale et intrathoracique dues au poids des humains participants. Malgré l’argument fallacieux selon lequel la boue est “l’habitat naturel du porc”, le fait que cette activité se fasse dans la boue n’atténue certainement pas la souffrance physique.

De plus, se faire plaquer dans la boue augmente le risque d’aspiration de boue. On peut voir plusieurs fois des porcs plaqués au sol sous des participants plus lourds qu’eux et leur gueule ainsi que leur groin se retrouvent dans la boue.

De toute façon, certaines activités ne se passent pas dans la boue, comme le montre le vidéo officiel du festival.

Pour ce qui est de la “boîte de réception” des porcs: en quoi est-ce que le fait qu’elle soit rembourrée garantit l’absence de douleur quand les porcs y sont jetés comme de vulgaires ordures, sans délicatesse, parfois la tête à l’envers. C’est une erreur grossière de croire que la douleur lors d’un impact est uniquement causée par le choc contondant d’une surface dure. Il y a un risque de blessures et de douleur associée lorsqu’on tombe sur un tapis de gymnastique alors que l’on ne s’y attend pas, par exemple quand on se fait projeter ou plaquer au sol (comme lors d’une compétition d’arts martiaux, je parle en connaissance de cause). Si l’on n’est pas préparé à une bonne réception, et si la disposition des différentes parties de notre corps n’est pas optimale, alors la compression de nos tissus sous notre propre poids est susceptible de causer des dommages, et possiblement de la douleur associée, qui ne se manifesteront pas forcément par des lésions externes ou des signes cliniques évidents.

Que dit le code de pratique sur la manipulation du porc qui va à l’encontre de la course?

Le code de pratiques du Conseil National pour les Soins aux Animaux d’Elevage, relativement aux soins et à la manipulation des porcs, mentionne, entre autres, les choses suivantes :

“Il est important que les personnes qui manipulent les porcs comprennent et appliquent des méthodes de manipulation qui atténuent le stress chez ces derniers et qui tiennent compte des points suivants :

— les réactions des porcs aux facteurs de stress;

— la nécessité d’interactions positives entre les personnes qui manipulent les porcs et ces derniers.”

Entres autres…

Je ne crois pas un seul instant que les porcs ressentent quoi que ce soit de positif dans les interactions que les humains leur imposent lors des épreuves.

Le code de pratiques mentionne également qu’il faut “S’assurer que les préposés à l’élevage comprennent bien les principes à l’origine des comportements des porcs en lien avec la manipulation, comme la zone de fuite et le point d’équilibre” (point d’équilibre = point situé sur l’épaule de l’animal, utilisé par les personnes qui manipulent les animaux pour diriger les mouvements des porcs). Il est évident que la plupart des participants aux épreuves de lutte n’ont pas la moindre notion de manipulation et de contention du porc et le point d’équilibre semble être une notion inconnue pour beaucoup, juste à voir comment les gens se jettent sur les cochons.

Selon le code de pratiques, il faut “faire en sorte que les personnes non requises ne soient pas dans le champ de vision des porcs au moment de déplacer ces derniers” et il faut “marcher calmement et régulièrement”, toutes ces choses étant impossibles à cause du principe même de la course, quand il faut courir, parfois à plusieurs, après un animal qui ne veut pas se laisser attraper pour le soulever et le laisser tomber sans délicatesse dans une boîte.

Dans les exigences du code de pratiques, il est indiqué que “les personnes qui manipulent les porcs doivent connaître les méthodes de manipulation qui atténuent le stress chez ces derniers.”

Il faut “s’assurer que les personnes qui manipulent les animaux comprennent bien les principes de comportement pour que la manipulation des porcs se fasse avec le moins de stress possible, comme le respect de la zone de fuite et du point d’équilibre. Ces personnes doivent également reconnaître que leurs attitudes et leurs comportements ont un effet sur le bien-être des porcs”. “Il est important que tous les préposés qui manipulent les porcs apprennent à reconnaître les signes de détresse chez les porcs, et sachent quoi faire pour soulager ces animaux.”

Il faut “embaucher des préposés à l’élevage qui manifestent des attitudes positives envers les porcs et qui ont une certaine empathie pour eux.”

On ne note pas vraiment d’empathie dans l’attitude des participants, qui considère les porcs comme des objets et non des êtres sensibles, à en juger par la façon dont certains les balancent comme de vulgaires sacs d’ordures dans la boîte. Ces porcs vont finir à la casserole, il est désolant de se divertir à leurs dépens et de leur imposer du stress et de la souffrance supplémentaires malgré cette perspective funeste.

Il est mentionné un peu plus loin, dans la section sur la manipulation des porcs durant les déplacement qu’“il est indispensable de manipuler les porcs avec douceur lorsqu’on les déplace.” et que “certains facteurs contribuent à l’intensification du stress, notamment une expérience de manipulation trop rude.” mais ceci n’est pas spécifique au porc.

Donc il n’y pas besoin d’analyser en détail le code de pratiques, et dans mon cas il n’était même pas nécessaire de le lire, pour comprendre que les activités de course et de lutte dans ce festival vont à l’encontre du bien-être des porcs.

Y aura-t-il une manifestation au festival?

L’intention initiale était de faire une manifestation pacifique sous forme de vigile silencieuse. Puis il y a eu des propos agressifs et haineux de certains partisans de l’activité contestée, voire même xénophobes à l’endroit de monsieur Laraque. Il y a même eu carrément des menaces non voilées d’agression physique (par exemple lancé d’oeufs pourris). Certains estiment que la vigile pourrait difficilement rester pacifique devant les provocations d’individus comme ceux ayant proférés les menaces. D’ailleurs, madame Line Théroux, mairesse de Sainte-Perpétue, l’a elle-même avoué dans une entrevue: le service de maintien de l’ordre est prévu, même en l’absence de la perspective d’une manifestation, entre autres à cause du risque de débordements dus à l’alcool chez certains festivaliers. Mais la préoccupation ne concerne pas uniquement la sécurité des manifestants (cette préoccupation est d’ailleurs loin d’être partagée), elle concerne aussi les animaux utilisés lors du festival, si jamais certains participants à la course décident d’être un peu plus durs avec les animaux juste pas défi ou par provocation dirigés contre les manifestants. Cette crainte n’est pas non plus unanime. Donc pour l’instant, il n’est pas possible de confirmer ou d’infirmer la tenue d’une manifestation car il y a des gens pour et d’autres contre.

Pourquoi se réveiller seulement maintenant alors que le festival existe depuis 37 ans?

Tout simplement parce que l’existence de cette activité était peu à pas connue des personnes soucieuses du bien-être des animaux. Comme beaucoup d’autres choses contre lesquelles on peut protester, on ne le fait pas tant qu’on ne les connaît pas. Le jour où l’on apprend leur existence, on peut soit fermer les yeux, soit prendre conscience que ce n’est pas correct et agir. Il y a très certainement d’autres abus, touchant aussi bien les animaux que les humains, et qui ne sont pas encore connus mais qui, lorsqu’ils le deviendront, feront également l’objet d’une opposition. Il ne s’agit pas d’un mouvement de troupeau de suiveurs aveugles dont monsieur Laraque serait le chef. Les défenseurs des animaux ne se sont pas réveillés un matin en se disant: ” de qui pourrions nous empoisonner la vie cet été…tiens, ce petit village de Sainte-Perpétue!”. Il ne faut pas victimiser Sainte-Perpétue ni la transformer en martyre. Le choix de Sainte-Perpétue n’a rien à voir avec le fait que les groupes de protection animale la considèrent comme une petite proie facile. D’autres évènements de plus grande envergure ont déjà été visés et le sont encore, et d’autres actions sont à venir.

Que penser de l’attribution d’une aide financière de 25 000 $ pour la tenue du Festival du cochon de Sainte-Perpétue par La ministre du Tourisme, Mme Dominique Vien?

Ce serait correct s’il n’y avait pas la course aux cochons, le festival peut exister sans cela. En soutenant le festival, la ministre soutient aussi l’activité de course et de lutte, qui encourage le manque de compassion envers les animaux et la désensibilisation par rapport à leurs souffrances, même s’il n’était probablement pas dans son intention de contribuer de manière consciente à cette souffrance.

Comment la course aux cochons ne respecte-t-elle pas les 5 libertés?

La course aux cochons ne respecte pas les 5 libertés fondamentales des animaux, cela ne signifie pas forcément qu’elle ne respecte AUCUNE des 5 libertés mais plutôt que parmi les 5 libertés, certaines ne sont pas respectées. Les 5 libertés fondamentales des animaux ont été établies en 1979 par le Farm Animal Welfare Council (FAWC), un organisme consultatif indépendant de la Commission Européenne. Alors que pour certaines de ces 5 libertés le doute plane au sujet de la course aux cochons, il y en a au moins deux pour lesquelles il est clair que cette activité contrevient:

1. Ne pas souffrir de faim et de soif
– accès à de l’eau potable et à une nourriture préservant la pleine santé et la pleine vigueur des animaux.
2. Ne pas souffrir de contrainte physique
– environnement approprié comportant des abris et une aire de repos confortable
3. Être indemnes de douleurs, de blessures et de maladies
– prévention ou diagnostic et traitement rapides
4. Avoir la liberté d’exprimer des comportements normaux
– espaces et équipements adéquats, contact avec des animaux de la même espèce
5. Être protégés de la peur et de la détresse
– conditions d’élevage et traitements évitant les troubles comportementaux.

Jean-Jacques Kona-Boun, DMV


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